Faut-il avoir peur de la montre intelligente ? Douze horlogers livrent leurs sentiments
Publié dans : WtheJournal.com
18.09.2013
Jean-Claude Biver, président de Hublot
L’émergence des montres connectées ne peut pas nous faire de mal. Au contraire, c’est très positif puisque ces montres intelligentes vont inciter la plus jeune génération à porter à nouveau quelque chose au poignet et, dans 15 ou 20 ans, ils s’achèteront sans doute plus naturellement une belle montre. Loin d’être une concurrence, ces objets vont donc être une réelle opportunité pour les marques comme Hublot. Pour les segments inférieurs, à l’image de Swatch, le problème est sans doute quelque peu différent. Et encore, une Swatch, vous l’achetez aujourd’hui, vous êtes certains qu’elle sera encore fonctionnelle – et à la mode - dans 5 ou 10 ans. Avec l’obsolescence programmée de la montre connectée, il vous faut investir plusieurs centaines de francs tous les deux ans environ, et c’est une tout autre affaire.
Enfin, les marques horlogères suisses de prestige proposent des objets de luxe. Et le luxe se définit par quelques fondamentaux que sont la pérennité de l’objet, sa qualité, le service qui l’accompagne, la tradition qui y est attachée, et enfin la dimension culturelle et artistique qui y est liée. La montre connectée n’appartient clairement pas à cet univers.
Luc Perramond, CEO de La Montre Hermès
Non, je ne vois pas cela comme une menace mais au contraire comme une stimulation. L'innovation technologique devrait développer l'intérêt pour les montres bracelets et attirer une clientèle plus jeune, c'est donc bénéfique pour toute l'industrie.
Guillaume Tetu, Co-fondateur et CEO de Hautlence
Le Samsung Galaxy Gear, j’adore et je vais en acheter un ! Et c’est compatible avec ma tablette Note 10.1 !
Coté risque pour le marché horloger suisse, les montres intelligentes seront un complément aux montres haut de gamme, pas un concurrent. Par contre, elles représenteront un concurrent certain pour les marques « mainstream » techniques, avant-gardistes ou high tech, qui ont une offre dans une gamme de prix comparable. Dans ce segment, les fonctionnalités et la convivialité des smartwatches vont en effet éteindre l’intérêt d’une simple montre si elle n’apporte pas le statut social qu’accompagne généralement l’expérience consommateur du produit plus haut de gamme.
La mutation de l’horlogerie mécanique va tendre vers une montée en gamme du fait de la contrainte de produire des mouvements hors des approvisionnements ETA, donc la différence avec les produits accessibles (quartz et techniques) va à priori s’accentuer.
Michele Sofisti, CEO de Sowind Group (Girard-Perregaux et Jeanrichard)
Je regarde ces nouveaux développements avec un grand intérêt et constate qu’il y a diverses expressions de montres dites intelligentes. Les fonctionnalités vont certainement se resserrer à l’avenir selon le choix et les attentes réelles exprimées par les consommateurs. Cela étant, je considère ces arrivées comme quelque chose de positif, aptes à donner de nouvelles idées et à susciter de nouveaux développements pour notre industrie, principalement, cela va de soi, dans les segments inférieurs. Dans la même veine, je me souviens du lancement de la T-Touch de Tissot qui a ouvert la voie aux montres à écran tactile.
Cela étant, je ne crois pas que l’industrie horlogère doive être effrayée, mais elle ne peut pas se contenter d’un haussement d’épaules. On peut imaginer que certaines de ces montres connectées puissent représenter une évolution naturelle aux montres digitales actuelles. Il va également être intéressant d’observer la réaction du marché : comment ces montres intelligentes seront-elles distribuées ? Les détaillants traditionnels seront-ils intéressés et prêts à s’engager sur ces produits ou la distribution se cantonnera-t-elle au marché de l’électronique traditionnel ? A nouveau, je pense que tout cela va être intéressant à suivre.
Jean-Frédéric Dufour, CEO de Zenith
Une montre de haute horlogerie est un objet très émotionnel, un bijou, qui laisse transparaître la personnalité de son porteur. L'horlogerie c'est de l'art et du plaisir avec des valeurs intemporelles qui ne peut et ne pourra jamais être comparée à des montres aussi intelligentes et high-tech soient-elles.
Nick Hayek, CEO de Swatch Group
La montre présentée n’a rien de nouveau. Swatch est active depuis plus de 20 ans dans le domaine des montres interactives et a pu en tirer de précieuses expériences, soit avec Swatch The Beat, Swatch Paparazzi (en collaboration avec Microsoft) ou avec Swatch Access, la montre qui donne accès à des ski-lifts voire des musées, stades, etc.
De plus, nous sommes les leaders pour les montres équipées de la technologie « touch », notamment avec Swatch, Tissot et nouvellement aussi avec Rado et sa montre céramique. Renata, fabrique de piles, et EM Marin, fabrique de circuits intégrés, wafers, etc. et toutes deux des sociétés de Swatch Group, sont à la pointe des technologies pour des produits à très basse consommation d’énergie.
Richard Mille, Président de Richard Mille
Ce type de produit est très intéressant. J'ai d'ailleurs l'intention d'en posséder un, pour voir. J'imagine que ça ne m'amusera qu'un temps, eu égard à la taille et au volume de l'objet. De plus, le rechargement quotidien est une contrainte. A voir.
Stéphane Linder, CEO de TAG Heuer
L'arrivée des smartwatches sur le marché est à observer de près. Lorsque Apple décide de lancer un nouveau produit, il faut toujours se méfier... Cela dit, je pense que la belle horlogerie mécanique survivra au choc, car elle ne s'adresse pas au même public. On s'achète une montre automatique pour la beauté du mécanisme, pour la part de rêve qu'elle représente ou pour le statut qu'elle donne, pas vraiment pour ses fonctions. Mais il faut cependant toujours rester innovant, c'est le secret pour résister aux secousses du marché. C'est la créativité qui doit nous booster, et non la peur de la nouveauté, quelle qu'elle soit.
Virginie Chevailler, attachée de presse Rolex
Mue par la recherche constante d'innovation et pionnière de la montre-bracelet dès le début du XXe siècle, Rolex salue le développement technologique que représente ce qu'on appelle la "montre connectée".
Un tel terminal digital se place manifestement dans le prolongement des incessants développements qui, depuis que la montre s'est imposée au poignet, n'ont cessé de voir de nouvelles technologies et de nouvelles fonctionnalités être proposées au porteur de montre. Ainsi les montres Rolex ont-elles vu l'apparition des montres à quartz à partir des années 1960 - Rolex a d'ailleurs participé activement au développement de cette technologie -, puis la multiplication des supports digitaux offrant l'heure ces dernières années, sans rien perdre de leur pertinence et de leur valeur, bien au contraire, grâce à leur indéfectible statut de symbole universel et intemporel de prestige, d'élégance et de qualités de résistance dans les environnements les plus extrêmes.
Au-delà des fonctionnalités qu'elles offrent, et par leurs qualités intrinsèques de chronomètres à remontage automatique entièrement conçus et fabriqués par Rolex dans les sites de la marque en Suisse, les montres Rolex sont empreintes de ce supplément d'âme que confèrent le riche savoir-faire manuel et industriel et le soin extrême du détail dont elles procèdent. On notera à ce sujet qu’un modèle comme l’Oyster Perpetual Submariner n’a jamais rencontré autant de succès que depuis que les plongeurs sous-marins peuvent s’équiper d’un ordinateur qu’ils portent au poignet.
C'est cet inestimable patrimoine technique et humain qui confère aux montres mécaniques en général, et aux montres Rolex en particulier, leur statut à part et jamais démenti au cours de l'histoire.
Et Rolex entend y demeurer fidèle aujourd'hui et demain de même qu'elle l'a été hier face au quartz.
Felix Baumgartner, CEO de Urwerk
Nous avons déjà des smartwatches. La majorité des cellulaires aujourd'hui donnent non seulement l'heure, la géolocalisation et parfois même la température, distribuent e-mails et SMS. Mais, pour moi, rien d'équivalent à la Haute Horlogerie. La belle horlogerie crée des « instruments » capables de passer de génération en génération. Nous ne créons pas des gadgets qui à la moindre défaillance finiront à la poubelle. Mais des montres qui sont destinées à durer et à être réparées en cas de défaillance.
A la fin de notre formation d'horloger nous acquérons le titre d'horloger rhabilleur, c'est-à-dire que nous sommes non seulement aptes à créer des montres mécaniques, mais aussi de remettre à neuf la plupart des mécanismes horlogers qui passent et passeront entre nos mains. C'est un travail d'artisan. La pérennité est à la base même de notre métier.
Pierre Jacques, CEO de de Bethune
Non je ne suis pas du tout inquiet. L'horlogerie suisse a été menacée plus d'une fois par le passé.
La valeur émotionnelle, la dimension statutaire et fortement identitaire des garde-temps mécaniques dépassent largement la sphère technologique et fonctionnelle recherchée dans une montre dite "intelligente".
Alexander Bennouna, CEO Victorinox Montres
Cette « révolution » de la montre connectée est inévitable, mais il est à mon sens trop tôt pour espérer évaluer et juger de ses conséquences. Nous observons évidemment de près cette évolution, même si le créneau d’Apple et de Samsung n’est pas le nôtre. Mais notre curiosité est naturellement en éveil : nous sommes attentifs à ces évolutions technologiques. En effet, nous sommes une marque où la multifonctionnalité prend tout son sens pour autant que les standards de qualité de Victorinox soient respectés.
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Sophie - 18 September, 2013Felix Baumgartner qui saute dans l'espace, porte des montres zenith et tout et tout, CEO de Urwerk?
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weditor - 18 September, 2013Le CEO d'Urwerk, Felix Baumgartner, n'a pas de parachute et garde les pieds sur terre ! Ce qui ne l'empêche nullement de faire de grands sauts dans le vide pour transporter la haute horlogerie vers des univers inconnus...
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