Le modèle Longines
Publié dans : Le Figaro Magazine
06.01.2014
Si les résultats en hausse de l’horlogerie helvétique font figure d’exception dans le paysage économique mondial, il est une entreprise qui, mieux que toutes, a su tirer profit de cette situation complexe. L’an dernier, Nick Hayek, président du Swatch Group, annonçait que le chiffre d’affaires de Longines avait largement franchi le milliard de francs suisses pour atteindre, selon nos estimations, 1,2 milliard de francs suisses (environ 975 millions d’euros). Avec de tels scores, elle se hisse au quatrième rang des marques de montres suisses, derrière Rolex, Cartier et Omega.
Avant de caracoler en tête des ventes, l’histoire de Longines a pourtant connu des débuts étranges. Dès le berceau, on lui connaît une double naissance. La première remonte à 1832, année durant laquelle Auguste Agassiz fonde, avec deux compères, un comptoir horloger à Saint-Imier (Suisse). La seconde date de 1867 lorsque le nom de Longines voit le jour sur une idée originale d’Ernest Francillon, neveu d’Agassiz, alors en charge de la société. Francillon est visionnaire à plus d’un titre. D’abord, il pense à associer une marque et un logo (le sablier ailé) à son activité. La chose est rare à l’époque, Longines étant la plus ancienne griffe horlogère déposée à l’OMPI, toujours renouvelée et utilisée avec les dépôts et le design originaux.
Plus fondamental, il a été l’un des premiers à réunir sous un même toit tous les métiers de l’horlogerie, donnant naissance au modèle de manufacture intégrée, toujours en vigueur. Enfin, cette maison possède un patrimoine immense, ô combien précieux lorsqu’il faut légitimer son histoire et son savoir-faire face à des clients en quête de vraies valeurs, de sens, de contenu… Longtemps entreprise familiale, Longines a échappé aux destructions massives d’archives. «Mes prédécesseurs ont toujours respecté l’héritage», souligne Walter von Känel, directeur général de la société depuis 1988, après y avoir fait ses premières armes comme vendeur en 1969. Longines dispose non seulement de tous les procès-verbaux des comités de direction depuis l’époque de Francillon, mais également de tous les livres établissant les modèles depuis 1867… et toutes les factures depuis 1873 ! Ce trésor historique est un fait rare dans ce secteur. Walter von Känel n’est pas peu fier de pouvoir retracer à la loupe toutes les ventes, les clients, les tarifs. Au point qu’il a entamé un long travail d’archivage numérique de la totalité de ses documents historiques : « Je ne sais pas si mon successeur sera aussi attentif à l’histoire et à son respect que je le suis, donc je dois faire le maximum !, lance ce patron d’une voix tonitruante. Je veux que soient répertoriées dans un ordinateur les 40 millions de montres produites par Longines depuis 1867. Je veux être prêt pour les enchères comme un bénédictin ! »
Des enchères qui, parfois, s’envolent, à l’image de cette montre ayant appartenu à Albert Einstein adjugée 596'000 dollars en 2008 à New York. Cet attachement au passé va de pair avec la notion de terroir. Ne jamais oublier que la griffe tient son nom du pré allongé – Les Longines – sur lequel furent établis les premiers ateliers et qui abrite encore l’entreprise. Ce pré se trouve à Saint-Imier, dans le Jura bernois en Suisse, une région qui a également vu naître Blancpain, Chopard, Heuer, Breitling. « Une seule est restée », glisse malicieusement le PDG, dont le parcours tranche avec celui des autres dirigeants de ce secteur. Commandant de régiment, politicien, attaché à sa région mais voyageur infatigable, fin connaisseur des marchés russes et chinois qu’il arpentait déjà à l’époque de la guerre froide et de Mao, cette force de la nature détonne. A 72 ans, von Känel a gardé un dynamisme intact – ne lui parlez pas de retraite ! – et il peut compter sur des collaborateurs fidèles. Il a développé une véritable culture d’entreprise dans cette société qui compte aujourd’hui plus de 1’000 salariés.
A chaque marque sa gamme de prix et son territoire
Outre la personnalité de ce dirigeant, le succès de Longines repose essentiellement sur celui du Swatch Group qui a racheté la marque en 1983. Dans ces années-là, la crise frappe l’ensemble de l’industrie suisse traditionnelle. Déferlante du quartz, baisses des commandes, licenciements, déplacement de la production des mouvements, les années 1980 n’épargnent pas la marque au sablier ailé. Nicolas G. Hayek, fraîchement émoulu à la tête de la Société suisse de microélectronique et d’horlogerie (SMH, futur Swatch Group), n’hésite alors pas à couper dans les effectifs pour assurer la survie de l’entreprise. En décidant notamment que Longines, manufacture depuis plus de 150 ans, ne produirait plus ses propres mouvements mécaniques. Un traumatisme à Saint-Imier à l’époque, mais une décision aujourd’hui saluée par tous. « Si nous étions restés manufacturiers, nous n’aurions pas connu une telle croissance ces dernières années », analyse Walter von Känel.
Car c’est sans doute là l’une des particularités de ce spécialiste de la montre suisse traditionnelle. Alors que les marques haut de gamme investissent des millions de francs suisses pour ériger leurs manufactures, produisant leurs propres mouvements souvent fort onéreux, Longines, dans son segment du milieu de gamme, n’a aucun état d’âme en achetant l’essentiel de ses calibres chez ETA(société de Swatch Group). « Je ne vends pas des mouvements, je vends des montres complètes », aime rappeler Walter von Känel. Ce qui ne l’empêche nullement de développer avec ETA des mécanismes exclusifs, à l’instar de son excellent chronographe à roue à colonnes ou d’un nouveau mécanisme mécanique pour les modèles femmes. Ces développements sont stratégiques pour distancer la concurrence. La cessation de l’activité manufacturière de Longines a été suivie d’un repositionnement clair de l’ensemble des griffes du groupe dirigé alors par Nicolas G. Hayek. A chaque marque sa gamme de prix et son territoire. C’est ainsi que Longines a été placée entre Tissot et Omega. Dès 1999, Longines table sur l’élégance, laissant pour un temps le sport de côté. Et surtout, elle ne dépasse pas sa plage de prix, entre 600 et 3’500 euros, avec un cœur de Gamme entre 1'200 et 2'000 euros. Un positionnement maintenu au fil du temps et nourri par des collections fleuve offrant un excellent rapport qualité-prix. A cela s’ajoutent des partenariats dans le sport, à commencer par l’équitation (elle vient de ravir à Rolex le partenariat avec la Fédération équestre internationale), la gymnastique sportive et rythmique, le ski alpin (elle a récupéré la dernière course qui lui manquait, Kitzbühel).Et elle vient de renouveler son partenariat avec Roland-Garros. Depuis qu’il préside aux destinées de l’entreprise, Walter von Känel a toujours gardé la haute main et la responsabilité sur le développement produit. Avec ses quatre piliers Elégance (classique),
Tradition horlogère, Sport et Héritage, la marque parvient à couvrir toutes les attentes. Les lignes en tête des ventes ont pour nom Master, La Grande Classique et Flagship. Résultat : c’est l’une des rares marques généralistes à réaliser près de 50% de son chiffre d’affaires avec la clientèle féminine. Pour ce faire, les collections proposent quatre à huit tailles différentes pour chacun des modèles. Une véritable machine de guerre logistique pour répondre à toutes les demandes.
Ainsi, l’horloger parvient à s’adapter aux différents marchés et à leurs attentes spécifiques. Présent dans plus de 130 pays via un réseau de 4’663 revendeurs et 180 boutiques (dont 160 franchisées), avec une production de près de 1,5 million de modèles, Longines est puissante en Asie – en Chine notamment, où elle n’a que peu de concurrence sur son segment et continue à progresser. « 2013 sera globalement une nouvelle très bonne année pour nous », se contente d’affirmer Walter von Känel. Les analystes vont plus loin : dans le paysage horloger suisse, ils placent la marque parmi celles qui réussissent le mieux et lui prédisent une nouvelle année record.
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